Joe Buck, blond et beau gosse, quitte sa petite bourgade du Texas pour
monter à New York, où il espère se faire entretenir par des femmes
riches. Mais la dureté de la ville lui fait rapidement perdre ses
illusions. Seul, sans un sou, il fait la connaissance de Ratso Rizzo,
un petit Italien chétif, boiteux et tuberculeux. Parce que ce dernier a
l'air encore plus seul que lui, Joe accepte de partager son appartement
miteux. À l'opposé l'un de l'autre, ils partagent pourtant la même
misère dans les bas-fonds new-yorkais, s'accrochant au même rêve :
partir vivre sous le soleil de Floride...
Depuis sa sortie en
1969, le film de John Schlesinger, lauréat de trois Oscars, a conservé
toute sa puissance. Comme beaucoup de films de la période, L'Épouvantail de Schatzberg par exemple, Macadam Cowboy,
s'attache à nous raconter le destin de deux losers, pleins d'ambition,
à la poursuite du rêve américain, dans l'Amérique des années 60. John
Schlesinger, à travers deux êtres attachants, perdus dans la foule
new-yorkaise, en quête de bonheur, d'amour et d'argent, nous restitue
une vision sombre de l'Amérique et de la société qu'elle engendre.
Ce très beau film contient de nombreuses similitudes avec des œuvres de la même période. Dans Alice n'est plus ici
de Martin Scorsese, Alice rêve depuis son plus jeune âge de devenir une
star de la chanson. Adulte, son rêve se prolongera. Elle ira jusqu'au
bout et y parviendra malgré les difficultés auxquelles elle devra faire
face. Dans Easy Rider de Denis Hooper, les deux
motards sillonnent toute l'Amérique dans un but précis : vivre et se
sentir libre. Thématique récurrente dans le cinéma américain des années
70, qu'on appelle communément l'American Dream.
Dans Macadam Cowboy,
Joe Buck, jeune homme naïf mais ambitieux, désire quitter son Texas
natal, préférant l'agitation des grandes métropoles. Dans le greyhound
qui le conduit à New-York, roulant jour et nuit d'Ouest en Est, Joe
revoit son passé défiler, douloureux, illustré par des flash-back
récurrents : parents absents, viol de sa petite amie. Dans le Point limite Zéro
de Sarafian, Kowalski, le héros du film fait le pari de rallier San
Francisco à Denver en moins de 15 heures. De la même manière que Joe,
son passé est évoqué par l'utilisation de flash-back : Kowalski est un
ex-pilote de course, vétéran du Vietnam et ancien policier traumatisé
par le viol auquel il a assisté durant son service. Le rapprochement
est inévitable. Joe et Kowalski sont deux losers, qui après tant
d'années d'échecs personnels souhaitent fuir, qu'importe la
destination, afin d'échapper à leur fatalité.
Les premières
séquences dans la métropole rappellent celles d'Un Shérif à New-York.
Comme Eastwood dans le film de Siegel, la tenue vestimentaire de Joe
jure avec celle des citadins. Joe Buck, comme la plupart des anti-héros
des années 70, (Travis Bickle de Taxi Driver, Lion de L'Epouvantail),
apparaît en dehors du cadre et rêve de l'intégrer. C'est un exclu de la
société de consommation. Joe est un éternel enfant, perdu dans son
imaginaire, persuadé d'être une sorte de héros des temps modernes. Il
ne perçoit pas la frontière entre le rêve d'enfant et la réalité
d'adulte. Ce sera Ratso Rizzo, être infirme et tout aussi démuni que
lui, qui lui fera prendre conscience de la dure réalité de la vie en
lui disant que son jeu de cowboy n'impressionne personne hormis les
homosexuels. « Tu ne vas pas me dire que John Wayne était PD ! » rétorque Joe. Le côté candide et immature du personnage refait surface.
Joe arpente les avenues de New-York, bercé par le rêve Américain, relayé par une radio « ne vous inquiétez pas pour votre avenir [...] nous vous aiderons. Vous avez besoin d'argent ? nous vous en donnerons.
». Un contraste avec le New-York filmé par John Schlesinger, plus sale
que jamais, ou Joe côtoie la faune urbaine : drogués, prostitué(e)s...
Le spectateur suivra son parcours initiatique, suivi de ses premières
désillusions et son passé douloureux qui revient comme un leitmotiv.
Dans les dernières séquences du film, Joe et Ratso se retrouvent dans
le bus qui les conduit à Miami, incarnation parfaite du rêve américain.
Comme beaucoup de « héros » du cinéma américain des années 70, certains
l'atteignent, épuisés, d'autres, meurent d'épuisement. Un excès
d'énergie dépensée pour reprendre l'une des théories défendue par Jean
Baptiste Thoret dans son ouvrage sur le cinéma américain des années 70.
Les dernières images du film, le visage de Ratso, mort, baigne dans les
reflets du soleil de Miami, symbole d'une âme perdue. Entre les deux
hommes, naîtra une affection fraternelle, prétexte saisi par John
Schlesinger, pour aborder le sujet de l'homosexualité. Une belle
histoire d'amour en somme.